Travaux “FORCES MORALES, QUELS FACTEURS DE MOBILISATION DE LA JEUNESSE POUR LA DÉFENSE DE LA NATION”
le 19 juillet 2024
Le comité de l’École de guerre, en partenariat avec le Laboratoire de la République, a choisi de se tourner vers ceux qui incarnent l'avenir de notre pays : la jeunesse de France, particulièrement celle née après la suspension du service national. Cette initiative vise à explorer les perceptions et les motivations des jeunes vis-à-vis de la défense nationale. Quels sont leurs sentiments envers la défense de la nation ? Sont-ils prêts à s'engager pour cette cause ? En ont-ils la volonté ? Ces questions complexes nécessitent une analyse approfondie, qui ne peut être menée uniquement par les militaires.
Huit étudiants du Laboratoire de la République ont été mobilisés pour examiner les facteurs influençant la mobilisation des jeunes. Leurs travaux, déclinés en cinq thèmes principaux, offrent une perspective éclairée sur la manière dont la jeunesse de France appréhende les enjeux de défense.
Les analyses des étudiants révèlent que la perception de la défense nationale par la jeunesse est variée et complexe. Nombre d’entre eux voient la défense nationale non seulement sous l’angle militaire, mais aussi comme un engagement civique et citoyen. Cependant, certains stéréotypes persistent, notamment l’idée que la défense est l’apanage des militaires et que les civils, surtout les jeunes, n’ont pas de rôle direct à y jouer.
L’engagement et la volonté
L’étude montre que la volonté d’engagement existe, mais qu’elle est souvent conditionnée par une meilleure compréhension des enjeux et des opportunités offertes par la défense nationale. La suspension du service national a créé une distance entre les jeunes et les institutions militaires, distance qu’il est crucial de réduire par des initiatives de sensibilisation et d’information.
Les thèmes d’analyse
Les travaux des étudiants se concentrent sur cinq chapitres :
Savoir, comprendre, agir : triptyque élémentaire comme gage de préparation à la défense du pays
Le rapport à la solidarité et à l’adversité en période de conflit
Le danger, l’ennemi, la mort : perceptions civiles et témoignages militaires
Étude quantitative du rapport des jeunes à l’engagement
Nation, Mémoire et Jeunesse : entre idylle et désamour
Propositions et perspectives
Parmi les propositions formulées, on trouve des recommandations pour intégrer davantage la défense nationale dans les programmes scolaires, des initiatives pour valoriser les engagements civiques liés à la défense, et des campagnes de communication visant à déconstruire les stéréotypes sur le rôle des jeunes dans la défense du pays.
Un lien renforcé entre armées et nation
Cette collaboration entre l’École de guerre et le Laboratoire de la République démontre la valeur du lien Armées-Nation. Elle montre également que les questions de défense nationale ne sont pas l’apanage des militaires, mais concernent l’ensemble des citoyens.
Ce travail n’aurait pas été possible sans l’implication des jeunes auteurs : Roméo Chauvel, Xavier Chaumonot, Edgar Cherrier, Antoine Couteaux, Pierre Craddock, Valentine Gelpi, Anna Paszek et Nicolas Poussin. Un remerciement particulier est adressé au comité Ardant du Picq de l’École de guerre et à Erévan Rebeyrotte, chargé de mission au sein du Laboratoire de la République, pour leur soutien et leur engagement dans ce projet.
En somme, cette réflexion conjointe ouvre la voie à une meilleure intégration de la jeunesse dans les enjeux de défense nationale, rappelant que chaque citoyen, quel que soit son âge, a un rôle à jouer dans la protection et la sécurité de notre nation.
Les ministres de l’Éducation français et québécois dénoncent la culture de l’annulation (cancel culture) dans une lettre ouverte.
Le ministre de l’Éducation du Québec, Jean-François Roberge, et le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports de la France, Jean-Michel Blanquer, s’associent contre la culture de l’annulation qu’ils jugent « à mille lieues des valeurs de respect et de tolérance sur lesquelles se fondent nos démocraties ». En effet, pour les deux ministres, « cette mouvance constitue un terreau fertile pour tous les extrêmes qui menacent la cohésion de nos sociétés. […] Sans contrepoids à l’influence pernicieuse de la culture de l’intolérance et de l’effacement, les valeurs démocratiques — liberté d’expression, égalité, laïcité — qui nous unissent risquent inévitablement de s’affaiblir. »
Ces deux ministres s’engagent ensemble, car pour eux « ce phénomène frappe autant la France que le Québec », et concerne leur sujet commun, l’école, qu’ils voient comme un « rempart primordial contre l’ignorance et l’obscurantisme ».
Ils comptent notamment organiser « une rencontre de jeunes pour débattre de ces questions aux côtés d’intellectuels » qui rassemblerait les deux pays.
Vous pouvez lire le texte en entier ici : https://www.lelaboratoiredelarepublique.fr/publications/lecole-pour-la-liberte-contre-lobscurantisme/
Et découvrez quelques réactions de la presse canadienne :
La Presse :https://www.lapresse.ca/actualites/education/2021-10-21/quebec-et-paris-s-allient-contre-la-culture-de-l-annulation.php
Journal de Québec :https://www.journaldequebec.com/2021/10/21/jean-francois-roberge-sallie-au-ministre-anti-woke-demmanuel-macron
Radio-Canada :https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1833421/quebec-woke-france-legault-macron-blanquer-roberge-tintin-livres?
Le Devoir :https://www.ledevoir.com/societe/641979/jean-francois-roberge-et-jean-michel-blanquer-signent-une-lettre-contre-la-culture-de-l-annulation
Razika Adnani est islamologue et philosophe. Dans cette tribune, elle revient sur le choc que la campagne pour la promotion du voile a provoqué. Elle explique les causes et l’origine de ce qu’elle appelle « la guerre du voile » et comment les islamistes détournent le sens de principes de liberté et d’égalité pour l’imposer.
Publié par Fild Media le 17 novembre 2021
Le choc que la campagne pour la promotion du voile a provoqué a été terrible parce qu’il s’agissait de l’Occident et parce que la campagne faisait la promotion de la pratique la plus opprimante pour les femmes et la plus discriminatoire à leur égard. L’Occident qui a été longtemps un exemple à suivre dans le domaine de la protection de la liberté et des droits des femmes a piétiné ses propres valeurs. Personne n’est dupe pour croire que le Conseil de l’Europe seul a eu l’idée de faire la promotion du voile. Si le choc est aussi grand, c’est parce qu’on a réalisé que les islamistes, qui ont mené farouchement « la guerre du voile » depuis un siècle environ, ont réussi à imposer cette pratique au sein d’institutions censées protéger les valeurs de l’Occident, dont l’égalité entre les femmes et les hommes. Le Conseil de l’Europe a trahi des millions de femmes dans le monde qui se battent contre le voile auquel le patriarcat les soumet ou veut les soumettre.
La « guerre du voile » a commencé dans le monde musulman au début du XXe siècle, pour ne parler que de la période contemporaine. C’est l’époque où des intellectuels et des politiques modernistes, influencés par les valeurs occidentales qui étaient pour eux celles de toute l’humanité, ont entamé le grand projet de modernisation de leurs sociétés. Ils ont, cependant, très vite compris que sans l’émancipation des femmes aucune évolution sociale ou politique n’était possible. Ils ont alors sérieusement critiqué la claustration des femmes et le port du voile, intimement liés. La philosophe Doria Chafik (1908-1975) a remis en cause l’idée du voile comme prescription islamique. « Nous trouvons dans les œuvres artistiques de l'Égypte ancienne des indices nous permettant de déduire que le voile n'était pas inconnu dans l'antiquité », écrit-elle dans son livre La femme et le droit religieux de l'Égypte contemporaine. Les efforts de ces modernistes ont donné des résultats spectaculaires. Lors de la première moitié du XXe siècle, les femmes sortaient dans les rues d’Alger, de Tunis, du Caire, de Manama et même de Kaboul les jambes et la chevelure non dissimulées et cela ne posait pas de problème. Des dignitaires religieux ne voyaient pas d’inconvénients à ce que les femmes ne portent pas le voile, c’est-à-dire ne se couvrent pas la tête comme le prouvent les photos de l’époque. Parmi eux, il y a ceux qui ont occupé plusieurs fonctions religieuses y compris au sein de la mosquée d’al Azhar du Caire comme Ahmed Hassen al-Bakouri (1907-1985) ainsi que l’Algérien Cheikh Bachir Ibrahimi (1989-1956) qui a été président de l’association des Oulémas algériens.
En 1928, les conservateurs, qui voulaient prendre le pouvoir pour contrer la modernisation des sociétés musulmanes, ont créé en Égypte la Confrérie des Frères musulmans pour mieux s’organiser. Leur objectif était de ré-islamiser les musulmans trop influencés, selon eux, par la culture occidentale qui les avaient éloignés du vrai islam. Un de leurs projets était de soumettre les femmes à nouveau au port du voile. Leur dévoilement était vu comme une menace pour leur domination sur les femmes et comme un danger pour la société musulmane qui devait impérativement se distinguer de la société occidentale. En revanche, les islamistes n’ont pas cherché à renvoyer les femmes à la maison. Ils avaient compris l’importance pour la réussite de leur mouvement de la présence de femmes voilées dans l’espace public. Une femme voilée qui va à l’université et travaille était un meilleur emblème pour leur mouvement que des dizaines qui restaient à la maison. Ils ont décidé d’utiliser le voile comme arme dans leur lutte contre les modernistes et ils ont même intégré les femmes dans leur confrérie en créant en 1932 la branche féminine appelée Sœurs musulmanes, dont le rôle était surtout d’inciter les autres femmes au port du voile. Zineb al-Ghazali en a été la première représentante.Dans leur lutte pour re-voiler les femmes, les Frères musulmans ont monopolisé les médias et les moyens de communication. Beaucoup de feuilletons montrant des femmes voilées pieuses ont été produits et diffusés partout dans le monde musulman. En 1990, presque toutes les femmes dans les sociétés musulmanes étaient voilées. Avec l’abolition du voile, les modernistes avaient propulsé les sociétés musulmanes dans le monde de la modernité. Les conservateurs ont voulu avec sa réinstauration les ramener vers le passé. Cette victoire des islamistes s’explique par les dollars des Wahhabites et l’acharnement des conservateurs. Mais il y a autre chose de plus important.
Les modernistes qui ont lutté contre le voile et qui l’ont critiqué comme un obstacle à l’épanouissement sociale et économique des femmes et de la société n’ont pas osé, ou très timidement, questionner les textes et la religion ni le présenter comme une discrimination à l’égard de la femme de peur d’heurter la religion.Cela a donné aux islamistes des arguments pour défendre leur projet d’imposer le port du voile aux femmes. Ils ont incité les étudiantes et les femmes qui travaillaient à le porter pour qu’elles donnent un exemple que le voile ne constitue pas une entrave à l’émancipation de la femme et de la société et démonter l’argument des modernistes.Quant à l’argument de la religion, il leur avait suffi de réaffirmer que le voile était une pratique religieuse incontournable pour les femmes. Alors que la dissimilation de la chevelure de la femme n’apparaît dans aucun des trois versets recommandant pour la femme une manière de s’habiller. Quand bien même il apparaitrait, cela ne suffirait pas pour l’imposer aux femmes. Les musulmans ne mettent pas en pratique toutes les recommandations du Coran comme l’esclavage qu’ils ont déclaré caduc, alors qu’il est cité et codifié dans 25 versets coraniques. Il faut également souligner que les recommandations s’opposent entre elles. Cependant, parce que la question du voile n’a pas été remise en cause au sein de l’islam, les conservateurs ont pu facilement convaincre les femmes que c’était une règle coranique à laquelle elles devaient se soumettre.
La guerre du voile se poursuit en Occident
Mais la guerre du voile n’était pas pour autant terminée. Elle s’est poursuivie en Occident. Non seulement parce que des musulmans vivaient de plus en plus en Occident, mais aussi parce que l’objectif des islamistes n’était pas d’islamiser uniquement les sociétés musulmanes, mais aussi l’Occident où ils sont également partis au front avec le voile comme arme. Comme dans les pays musulmans, il est la meilleure preuve de la réussite de leur mouvement. Porté sur la tête d’une femme, il est toujours plus efficace que la prière et le jeûne qui ne se voient pas forcément sur les visages des personnes dans la rue. Malgré les tensions permanentes que le port du voile suscite et la riposte de ceux qui veillent à défendre les valeurs de l’époque actuelle, l’objectif de l’imposer partout en Occident et de le faire accepter par l’autre ne faiblit pas.
En Occident, les adeptes du voile ne se sont pas contentés de le présenter comme une recommandation coranique, ils ont voulu qu’il soit la condition même de l’appartenance de la femme à l’islam. Tariq Ramadan en a fait un acte de foi. « Pour les femmes, la prescription porte également sur le port du voile… (et) il s’agit d’un acte de foi », écrit-il dans son ouvrage Le Génie de l’islam publié en France en 2016. Ce qui est un grand dérapage théologique, car le voile n’est ni un principe fondateur de l’islam, ni un principe de la pratique de l’islam. En islam, avoir la foi consiste à avoir la conviction que Dieu existe et qu’il est unique, que Mohamed est son prophète et que le Coran est sa parole sans aucune distinction entre les femmes et les hommes. Les principes de la pratique de l’islam sont la prière, l’aumône, le hadj (pèlerinage à La Mecque) et le jeûne. Une personne peut donc appartenir à l’islam et être pratiquante sans avoir à porter le voile. Le voile n’est pas non plus une pratique spécifique à l’islam ni un critère identitaire des musulmanes comme l’a affirmé la campagne du Conseil de l’Europe. Le couvrement de la tête pour les femmes était une tradition méditerranéenne remontant à une période bien antérieure à l’islam.
Changer la représentation du voile
En Occident, bien que le port du voile soit en hausse, celui-ci se heurte toutefois aux valeurs de la liberté et de l’égalité. Pour que l’autre l’accepte et afin de pouvoir l’introduire dans toutes les sphères de la société, ses adeptes ont décidé de changer son image, de le présenter comme un signe d’égalité et une preuve de liberté. Or, le concept de liberté n’est ni connu dans la pensée musulmane ni reconnu par les sociétés musulmanes et le voile comme les autres pratiques est présenté, compris et vécu comme une obligation juridique et un ordre divin que l’on ne discute pas. Cependant, ceux qui utilisent ce concept de liberté sont conscients de sa valeur dans les sociétés occidentales et cela sur le plan social, politique et moral, valeur qu’eux ne reconnaissent pas. Seulement, ils voient en lui le meilleur moyen pour défendre le port du voile et l’imposer.
Le voile n’est pas non plus une preuve d’égalité. Ordonné à la femme et non à l’homme, il est lui-même une discrimination tant à l’égard des femmes par rapport aux hommes qu’à l’égard des femmes non-voilées par rapport à celles qui sont voilées. Les non-voilées sont considérées comme impudiques qui méritent d’être violentées et violées. Une discrimination qui remonte à l’antiquité et qu’on retrouve dans le verset 59 de la sourate 33, Les Coalisés : « Ô prophète dis à tes épouses à tes filles et aux femmes des croyants de ramener sur elles leurs djalabib ( pluriel de djilbab signifiant robe longue) ainsi elles seront vite reconnues et ne seront pas offensées ».Ainsi, si l’égalité consiste à accorder à tous les mêmes droits, les islamistes revendiquent une autre égalité qui accorde les mêmes droits à ceux qui pratiquent les discriminations qu’à ceux qui accordent à tous les mêmes droits. Une égalité qui veut la même visibilité et le même respect à une pratique qui discrimine les femmes qu’à une autre qui met les hommes et les femmes sur un pied d’égalité. Ce détournement des valeurs de la liberté et de l’égalité crée une confusion grave quant à leur sens et les menace sérieusement avec le consentement du Conseil de l’Europe.
Ce qui aggrave la situation, c’est que le Conseil de l’Europe n’a pas fait seulement la promotion du voile des femmes, mais aussi de celui des petites filles dans une vidéo intitulée « United diversity » qui a ensuite été supprimée de leur site.Le voilement des petites filles est la preuve indéniable de l’absurdité de l’argument du voile comme liberté. On ne peut pas prétendre que les petites filles ont atteint la maturité intellectuelle et morale qui leur permette de choisir leurs actes, de décider elles-mêmes de se voiler. D’autant plus que ceux qui imposent le voile aux petites filles expliquent que leur objectif est d’habituer les femmes au port du voile dès leur jeune âge, afin d’éliminer chez elles toute velléité de liberté qui entraînerait le risque qu’elles se rebellent contre cette pratique. Décidément, l’Occident ne sait plus défendre ses valeurs.
Les femmes notamment celles qui vivent dans les pays musulmans, doivent désormais compter sur elles-mêmes pour changer leur condition et arracher leurs droits d’être humain et leur droit d’avoir les mêmes droits que les hommes. Elles doivent impérativement s’armer de moyen théologiques, historiques, philosophiques et politiques qui leur permettent de se défendre contre le discours qui veut faire d’elles des êtres inférieurs au nom de la religion.
Razika Adnanihttp://www.razika-adnani.com
"La mémoire, ce passé conjugué au présent" écrivait François Chalais. Par sa complexité historique et l'importance des logiques mémorielles, la guerre d'Algérie illustre les défis auxquels l'école et la République font face, selon Yannick Clavé.
Comment enseigner la guerre d’Algérie aujourd’hui ? Le sujet est-il trop présent ou trop absent dans les programmes scolaires ?
Yannick Clavé : Contrairement à une idée reçue, la guerre d’Algérie est présente depuis déjà plusieurs décennies dans les programmes du secondaire. Aujourd’hui, tous les élèves en ont entendu parler : elle est enseignée en 3e, en Terminale générale (dans le tronc commun et dans la spécialité géopolitique) et en Terminale technologique. L’enjeu de cet enseignement apparaît d’autant plus important que la guerre d’Algérie fait partie de ces questions socialement vives, qui portent en elles une intense charge émotionnelle pour beaucoup d’élèves.
La question n’est pas tant quantitative – trop ou pas assez – que, surtout, la manière dont elle est abordée. La guerre d’Algérie a eu trop tendance à être évoquée uniquement sous l’angle de l’histoire de France (les IVe et Ve Républiques) et de la décolonisation. C’est ce qui a empêché de l’appréhender dans une complexité plus globale, en particulier celle de la longue durée des relations entre la France et l’Algérie dès 1830 voire avant. D’ailleurs, l’expression même de « guerre d’Algérie » que nous continuons à utiliser par commodité montre que nous nous inscrivons dans un point de vue résolument français, alors que les historiens ont désormais plutôt tendance à parler de « guerre d’indépendance algérienne ». C’est aussi pour eux une manière de mieux souligner que l’enjeu de cette lutte armée était d’abord et avant tout politique. Cette expression ne figure certes pas encore dans les programmes, mais leurs rédacteurs ont fait des efforts ces dernières années pour mieux prendre en compte les acquis les plus récents de la recherche historique.
Que signifie réconcilier les mémoires ?
Yannick Clavé : Réconcilier les mémoires ne signifie pas entrer dans la logique mémorielle de tel ou tel groupe pour répondre à ses revendications, mais exige de regarder l’Histoire en face et de ne plus laisser aucun sujet sous le tapis. Pour les historiens, rien n’est tabou et tout peut faire l’objet d’un travail scientifique sérieux et le plus objectif possible.
Le rôle du politique est aussi important, car par ses gestes et ses paroles il peut contribuer à apporter un apaisement social, indispensable pour permettre aux historiens de travailler en toute sérénité. Le Président Chirac avait été le premier à prendre des décisions importantes, inaugurant par exemple un Mémorial en 2002 aux morts pour la France en Afrique du Nord puis en reconnaissant officiellement l’année suivante le rôle joué par les harkis. C’est aussi le sens à donner aux décisions prises récemment par le Président Macron, par exemple lorsqu’il a reconnu, en 2018, la responsabilité de l’État et celle de l’armée française dans l’assassinat de Maurice Audin ; ou lorsqu’il a honoré le 17 octobre 2021 la mémoire des victimes du 17 octobre 1961. Bien entendu, tout ne peut pas se régler en quelques années : il faudra sans doute encore beaucoup de temps. C’est cette « politique des petits pas » qu’appelle de ses vœux Benjamin Stora dans son rapport remis en 2020. D’autant plus que le travail mémoriel n’en est pas du tout au même stade des deux côtés de la Méditerranée : en Algérie, malgré des historiens courageux et talentueux, le pouvoir politique continue à entretenir une confusion entre l’histoire et la mémoire, voire à instrumentaliser une « rente mémorielle » qui n’a guère évolué depuis les années 1960.
Comment sortir du « symptôme de hantise » mémorielle (Paul Ricoeur) ?
Yannick Clavé : La recherche historienne sur la guerre d’Algérie est aujourd’hui très dynamique. Le rapport Stora et d’autres publications montrent le chemin qu’il reste à parcourir, même si beaucoup a déjà été fait. Des initiatives intéressantes ont vu le jour, ainsi des collaborations entre historiens français et algériens, convaincus qu’il est possible d’en finir avec ce passé franco-algérien empoisonné pour construire, au contraire, une histoire partagée des deux côtés de la Méditerranée. D’autres initiatives ont permis de replacer la guerre d’Algérie dans la longue durée des relations franco-algériennes depuis le début du XIXe siècle, permettant ainsi, justement, de ne pas réduire ces relations à ce seul conflit armé.
Dans les classes, le rôle du professeur est essentiel. Non seulement il faut continuer à former les enseignants, mais il faut les inciter à aborder la guerre d’Algérie de manière incarnée, pour susciter l’intérêt des élèves et les faire réfléchir, d’autant plus lorsque ces derniers se revendiquent d’une mémoire particulière et peuvent se montrer virulents dans leurs propos. Le recours à la diversité des témoignages des anciens combattants (appelés, rappelés, engagés), des combattants ou descendants du FLN, des harkis et de leurs descendants, mais aussi des pieds-noirs, permet de confronter les élèves à la complexité de la réalité historique, loin des simplifications mémorielles et des instrumentalisations idéologiques. Tout ceci peut s’articuler avec un travail autour de la pédagogie de projet, permettant d’impliquer les élèves tout en maintenant un haut niveau d’exigences dans la transmission des connaissances et l’apprentissage de l’esprit critique.
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