L’équilibre des territoires est un enjeu majeur pour renforcer l’unité et la cohésion nationale en France. À travers un dialogue riche et éclairant, Benjamin Morel, maître de conférences en droit public, secrétaire général de l’association, responsable de la commission République indivisible et Vincent Chauvet, maire d’Autun, confrontent leurs perspectives. Ensemble, ils explorent les défis rencontrés par les petites villes et les zones rurales.
Benjamin Morel, maître de conférences en droit public, secrétaire général de l'association, et responsable de la commission "République indivisible", dialogue avec Vincent Chauvet, maire d’Autun, une sous-préfecture de 13 000 habitants située en Saône-et-Loire.
Leur échange porte sur le thème de l'équilibre des territoires en France, un enjeu clé pour garantir l'unité et la cohésion nationale. Ils abordent les défis spécifiques auxquels font face les petites villes et les zones rurales.
Avec des perspectives complémentaires, Benjamin Morel met en lumière les enjeux juridiques et politiques liés à l’organisation territoriale, tandis que Vincent Chauvet partage son expérience concrète de terrain en tant que maire d’Autun. Ensemble, ils proposent des pistes de réflexion pour construire une République plus équilibrée.
https://youtu.be/E5ouzI_oNPc
Depuis 2020, l’association des maires de France constate que plus d'un millier de maires ont quitté leurs fonctions. Le nombre d'élus locaux, et notamment de maires, qui démissionnent atteint des records. Le Laboratoire de la République a interrogé Vincent Chauvet, maire d’Autun (Saône-et-Loire) et 1er vice-président de la communauté de communes du Grand Autunois Morvan (CCGAM), sur sa vie quotidienne d’élu et les problèmes qui en découlent. Le Morvan, où l'on constate un recul des services publics, est un des territoires ayant connu une vague de démissions d'élus.
Le Laboratoire de la République : constatez-vous personnellement une forme de malaise ou de fatigue touchant les élus locaux ? Si oui, quels en sont les grands déterminants ?
Vincent Chauvet : Il est certain qu’il y a aujourd’hui un fossé entre les programmes que les élus ont porté devant leurs électeurs en 2020, et la réalité trois ans après. Personne n’aurait imaginé que les énergies de début de mandat seraient consacrées à gérer les conséquences d’une crise sanitaire, d’une guerre sur le continent engendrant une crise énergétique puis une inflation forte. Forcément, je comprends que le contexte d’exercice actuel des mandats locaux génère un certain nombre découragement. Pour l’élu lui-même, le mandat électif s’observe et s’évalue sur la balance entre le travail positif réalisé, les projets sortis ou engagés, face aux difficultés à résoudre et à surmonter. Pour cela, nous nous mobilisons bien souvent au détriment des vies de famille, des carrières professionnelles, pour l’intérêt général. Il faut sans doute revoir le statut de l’élu, pour continuer de susciter l’envie des citoyennes et citoyens de s’investir pour le collectif, ce qui m’anime et me motive pour ma part encore comme au premier jour de mon engagement public.
Le Laboratoire de la République : comment avez-vous vécu personnellement votre début de mandat ? Avez-vous rencontré des difficultés qui auraient pu vous décourager ?
Vincent Chauvet : A la fois avec confiance, mais aussi avec des inquiétudes quotidiennes où j’ai pu parfois ressentir un sentiment d’impuissance.
Confiance car nous avons réussi, une équipe d’élus et d’agent impliqués et mobilisés, à faire avancer sereinement nos projets municipaux les plus ambitieux, notamment les grands chantiers prévus dans le dispositif Action Cœur de Ville pour la requalification du centre historique sur le volet commercial, de l’habitat, du patrimoine et des mobilités.
En revanche, je passe une grande partie de mon temps d’élu sur la fonction de Président du conseil de surveillance de l’hôpital d’Autun. Sans réel pouvoir de décision, et en première ligne face à toutes les difficultés d’une question devenue la principale source d’inquiétude et de défiance pour nos habitants. Autun vient de perdre sa maternité publique, la seule à 1h30 de route pour beaucoup d’habitants du Morvan. Malgré nos efforts et la mobilisation des tous les acteurs du territoire, il n’y a pas de recette miracle immédiate à la pénurie de professionnels de santé, rencontrée (quasi) partout en France. Une réalité qu’il faudra affronter pendant encore plusieurs années, et contre laquelle je me bats avant tout sur le terrain du renforcement de notre attractivité territoriale et du changement des modèles, plutôt que du déclinisme et de la fatalité.
Le Laboratoire de la République : avez-vous le sentiment que l’État soutient suffisamment les élus locaux et que vous avez les moyens d’exercer votre mandat ?
Vincent Chauvet : Contrairement à la période précédant 2017, et même si nous pourrions attendre toujours plus, l’Etat a garanti aux communes les moyens financiers d’agir dans ses prérogatives. Il a été au rendez-vous du financement de nos investissements. Le « couple » Maire/Préfet s’est renforcé depuis la crise sanitaire, pendant laquelle la coopération s’est avérée vraiment efficace.
En revanche, il est bien plus difficile de boucler les budgets communaux et intercommunaux en raison des coûts exponentiels des dépenses d’énergie. Nos communes reviennent à l’essentiel et priorisent les investissements pour la rénovation énergétique des bâtiments. Je suis persuadé que nous tirerons sur le long terme du positif à ces difficultés, notamment pour la transition écologique.
Le Laboratoire de la République : l’AMF estime à 1500 le nombre d’agressions d’élus municipaux au cours de l’année 2022, une hausse de 15% par rapport à 2021. Constatez-vous un changement des relations avec certains citoyens ? Pourquoi ?
Vincent Chauvet : Dans une société de l’immédiateté, ou tout est dû à chacun, il y a effectivement une infime partie de nos habitants qui se laissent de plus en plus aller à la déviance et ce n’est pas acceptable. Le Maire est souvent à portée de baffes de toutes les frustrations du quotidien.
J’ai malheureusement dû faire face plusieurs fois depuis ma prise de fonctions à des agressions verbales nécessitant une action en justice. Menaces de mort, injures publiques, outrages et insultes constatées sur les réseaux sociaux à mon encontre mais aussi à celle d’autres élus autunois, seules des peines de sursis ont été prononcées. Or, les faits ont été réitérés plusieurs fois, tant sur les réseaux sociaux que dans la rue. On peut aussi s'interroger sur la lenteur des procédures qui finissent par laisser courir le délai de prescription des délits visés par les propos sur les réseaux sociaux, ce qui absout de fait leurs auteurs.
Il faut d'urgence mettre un terme à la culture de l'excuse à l’encontre des auteurs des violences envers les élus, revoir au plus vite l'appréciation des "limites acceptables au débat public ou à la critique envers les élus", et arrêter de considérer le fait que la victime soit une femme ou un homme politique soit une circonstance atténuante, voire penser que l'élu est en quelque sorte lui-même responsable de tels actes, comme s'il "l'avait bien cherché".
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