Le jeudi 23 mai, l'antenne de Paris-Saclay a organisé une table ronde intitulée "Agriculture et énergies vertes. Des destins communs ?" à AgroParisTech. Cet événement a rassemblé des experts pour discuter des liens étroits entre l'agriculture durable et les énergies renouvelables, mettant en avant les pratiques innovantes et les synergies possibles entre ces deux secteurs.
Intervenants et thématiques abordées
Antoine Armand, député et auteur de "Le mur énergétique français", a ouvert la discussion en soulignant les défis énergétiques auxquels la France est confrontée et en expliquant comment l'agriculture peut jouer un rôle clé dans la transition énergétique. Son intervention a porté sur l'urgence de développer des politiques intégrées qui favorisent à la fois la production agricole durable et les énergies renouvelables.
Benoît Gabrielle, enseignant-chercheur à AgroParisTech et auteur principal du chapitre "Bioénergies" du rapport du GIEC de 2011, a détaillé les différentes formes de bioénergies et leurs potentiels pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il a également souligné l'importance de la recherche et de l'innovation dans ce domaine pour maximiser les rendements énergétiques tout en préservant les écosystèmes.
Clémence Daudé, responsable des partenariats agricoles de Photosol et ancienne analyste agricole pour le ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, a partagé son expérience dans le développement de projets agricoles intégrant des sources d'énergie renouvelable. Elle a présenté des cas concrets de partenariats réussis entre agriculteurs et entreprises de l'énergie solaire, mettant en lumière les bénéfices économiques et environnementaux de ces collaborations.
Conclusion et perspectives
La table ronde s'est terminée sur une note optimiste, avec un consensus sur la nécessité d'unir les efforts des secteurs de l'agriculture et des énergies renouvelables pour relever les défis environnementaux actuels. Les échanges ont mis en lumière des initiatives prometteuses et ont encouragé la poursuite du dialogue et de la collaboration entre les différents acteurs.
Au cours de cette table ronde ont été évoquées de nombreux sujets relatifs à des questions de plus en plus prégnantes dans les débats environnementaux :
Y a-t-il nécessairement une concurrence entre productions agricoles alimentaire et énergétique ?
Comment les bioénergies peuvent aujourd’hui répondre à la nécessité de décarboner notre économie ? Jusqu’à quel point ?
Quels sont les obstacles à surmonter pour rendre nos lois actuelles efficaces en matière de transition énergétique, sans compromettre notre capacité à avoir une production alimentaire suffisante ? En France ? En Europe ?
Il ressort de ces discussions que nous devons envisager d’adopter une perception multifonctionnelle des systèmes agricoles : au lieu d’opposer production alimentaire et production énergétique à partir de ressources agricoles, il est possible de mettre en place des systèmes combinant les deux, sans nécessairement en compromettre une. La nécessité de produire de l’énergie sur notre sol s’inscrit dans une perspective d’indépendance par rapport à des pays avec lesquels les relations diplomatiques sont incertaines.
Cette table ronde a clairement démontré que l'agriculture et les énergies vertes ont des destins communs, et qu'ensemble, elles peuvent contribuer significativement à un avenir plus durable et respectueux de l'environnement.
https://youtu.be/iSLdWzgxQog
Le jeudi 23 mai, vous êtes invité à une nouvelle table ronde organisée par l'antenne de Paris-Saclay : "Agriculture et énergies vertes. Des destins communs ?". Elle aura lieu à AgroParisTech.
Cette table ronde sera autour de l'agriculture durable et les sources d'énergie renouvelables. Au cœur de cet événement se trouve un dialogue stimulant sur la manière dont ces deux secteurs interagissent, s'influencent mutuellement et offrent des solutions innovantes aux défis environnementaux contemporains. Nous mettrons en lumière les meilleures pratiques en matière d'agroécologie, d'énergies renouvelables et de synergies entre les deux domaines. Comment promouvoir une agriculture respectueuse de l'environnement et développer des sources d'énergie propres ?
Intervenants :
Antoine Armand, député, auteur " Le mur énergétique français"
Benoît Gabrielle, enseignant-chercheur AgroParisTech - Physique de l'environnement et bioénergies. Auteur principal du chapitre "Bioénergies" du rapport du GIEC de 2011.
Clémence Daudé, responsable des partenariats agricoles de Photosol. Ancienne analyste agricole pour le ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères.
Échanges suivis d'un cocktail
Quand ? Jeudi 23 mai, à 18h
Où ? AgroParisTech
22 place de l'Agronomie, 91120 Palaiseau
Participation libre, inscription obligatoire
Pour s'inscrire, cliquez ici
L'impact du dérèglement climatique sur la production agricole et viticole en Europe est devenu une préoccupation majeure. Des initiatives européennes telles que le Green Deal visent à rendre l'agriculture plus respectueuse de l'environnement et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, cette transition vers une agriculture plus durable n'est pas sans susciter des critiques, notamment de la part des agriculteurs. Certains estiment que les normes environnementales imposées par l'Union européenne entraînent une accumulation de contraintes et de normes jugées excessives. Alors que la préservation de l'environnement est cruciale, il devient impératif de trouver un équilibre entre les objectifs environnementaux ambitieux et la viabilité économique des exploitations agricoles. Fanny Barthelemy, fondatrice d’OWA Learning, formatrice et consultante sur les enjeux du développement et de la transformation durable, nous fait part de son expertise.
Le Laboratoire de la République : Quels sont les impacts concrets du dérèglement climatique sur la production agricole et viticole en Europe ? Comment le secteur s'adapte-t-il à ces changements ?
Fanny Barthelemy : Le dérèglement climatique, avec son cortège de phénomènes météorologiques extrêmes, représente une menace croissante pour l'agriculture et la viticulture européennes et bouleverse les écosystèmes agricoles européens. Les agriculteurs et viticulteurs sont confrontés à des défis croissants, notamment l'altération des cycles des cultures, la fréquence accrue des événements extrêmes comme les vagues de chaleur ou les gelées tardives, qui compromettent la floraison et la fructification. Les changements dans la distribution des précipitations entraînent soit des périodes de sécheresse prolongées, soit des inondations, affectant ainsi la qualité et la quantité des récoltes. Ces dérèglements perturbent également les cycles de croissance et augmentent la prévalence des maladies et des ravageurs. En réponse à ces dérèglements, le secteur agricole fait face et innove avec l'adoption de méthodes telles que l'agriculture biologique, en biodynamie, de conservation des sols, agriculture régénératrice qui renforcent notamment la résilience des sols. L’innovation variétale est un des éléments techniques de réponse à ces enjeux. Les organismes de défense et de gestion (ODG) ont désormais la possibilité d’intégrer de nouvelles variétés dans leur cahier des charges, une possibilité encadrée par la réglementation française et européenne. Ces nouvelles variétés sont dénommées Variétés d’intérêt à des fins d’adaptation (VIFA) pour les ODG d’AOP (directive INAO). Afin d’aider les viticulteurs, InterLoire a par exemple publié un guide sur les variétés d’intérêt à fin d’adaptation. Le cépage « Voltis » a été agréé, en phase de test, pour la production de Champagne AOC. Il s'agit d'un essai d'un cépage à « résistance durable » (ResDur1) qui permet de réduire drastiquement les traitements phytosanitaires contre les maladies fongiques (mildiou et oïdium) dans le domaine de l'appellation. Ceci dans le cadre des "Variétés d'Intérêt à Fin d'Adaptation" (VIFA), soit jusqu'à 5 % des surfaces cultivées d'une exploitation et jusqu'à 10 % des mélanges sur une durée de 5 ans (renouvelable une fois que). L'ajustement des périodes de semis et de récolte, la diversification des altitudes de plantation sont quelques-unes des autres stratégies adoptées. Les nouvelles technologies, telles que les satellites et les capteurs de sol, permettent un suivi en temps réel des besoins des cultures, contribuant ainsi à une gestion plus efficace des ressources. La télédétection par satellite, par exemple, a permis aux agriculteurs de réduire l'usage des engrais en ajustant l'apport aux besoins réels des plantes. Ces innovations représentent des étapes importantes vers une agriculture européenne plus résiliente et adaptative, capable de répondre aux exigences d'un climat en mutation.
Le Laboratoire de la République : Quelles sont les principales initiatives de l'Union européenne en matière d'agriculture durable pour faire face aux défis du dérèglement climatique ?
Fanny Barthelemy : L'Union européenne (UE) est attachée à promouvoir des pratiques agricoles durables, consciente des défis environnementaux et sociaux auxquels le secteur est confronté. Dans un contexte de changement climatique et de diminution de la biodiversité, l'UE a redoublé d'efforts pour assurer la pérennité de l'agriculture tout en préservant les ressources naturelles. Face à ces défis, l'Union européenne a lancé plusieurs initiatives clés. La stratégie "De la ferme à la fourchette" s'inscrit dans le cadre du Green Deal européen et vise à rendre les systèmes alimentaires durables et résilients. Son objectif est de tendre vers « un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », tout en limitant les émissions de CO2 et en minimisant les atteintes à la biodiversité. L'accent est mis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'agroécologie, la protection de la biodiversité et le renforcement de la chaîne d'approvisionnement alimentaire. Elle comprend donc des mesures pour promouvoir des aliments sains et durables, réduire l'empreinte environnementale et sociale de la production alimentaire, et renforcer la résilience des producteurs. Un des objectifs spécifiques est d'atteindre 25% de terres agricoles consacrées à l'agriculture biologique d'ici 2030.
Exemples d’initiative :
Le projet "LIFE Agriadapt" avait pour but d'adapter l'agriculture européenne au changement climatique en développant des pratiques agricoles durables adaptées à différentes régions. Face aux enjeux climatiques pour l'agriculture française et européenne, le projet européen LIFE AgriAdapt a élaboré diverses ressources, outils et méthodes pour l'adaptation durable des exploitations agricoles de grandes cultures, élevage, cultures permanentes. 4 organisations situées en France (Solagro), Allemagne (LCF), Espagne (FGN) et Estonie (EMU) se sont associées dans le cadre de ce projet (sur la période allant de septembre 2016 à avril 2020). La singularité de Life AgriAdapt est d'avoir développé et appliqué une méthodologie commune permettant de caractériser la vulnérabilité climatique à l'échelle de l'exploitation agricole sur un réseau de 126 fermes pilotes en Europe, dont 34 suivies par Solagro en régions Occitanie et Grand Est1.
"Horizon Europe" est l'initiative phare de l'UE dans le domaine de la recherche et du développement, décomposée en différents clusters. Le mandat d'Horizon Europe pour le Cluster 6 (alimentation, bioéconomie, ressources naturelles, agriculture et environnement) est de fournir des opportunités pour renforcer et équilibrer les objectifs environnementaux, sociaux et économiques et de mettre les activités économiques humaines sur la voie de la durabilité. Par conséquent, le paradigme sous-jacent du Cluster 6 est la nécessité d'un changement transformateur de l'économie et de la société de l'UE pour réduire la dégradation de l'environnement, stopper et inverser le déclin de la biodiversité et mieux gérer les ressources naturelles tout en répondant aux objectifs climatiques de l'UE et en assurant la sécurité alimentaire et hydrique. Il prend en compte le contexte géopolitique en évolution et les nouvelles priorités de recherche et d'innovation axées sur le renforcement de l'autonomie stratégique ouverte de l'UE, en particulier dans les secteurs de l'énergie et de l'alimentation. Un de ses orientations stratégiques clés est de restaurer les écosystèmes de l'Europe et la biodiversité, et gérer de manière durable les ressources naturelles pour assurer la sécurité alimentaire et un environnement propre et sain2.
Le Laboratoire de la République : Les agriculteurs dénoncent les normes environnementales de l’Union européenne et notamment le Green Deal qui imposeraient un empilement de normes et de contraintes. Les agriculteurs sont-ils excessivement impactés par la politique environnementale de l'Union européenne ?
Fanny Barthelemy : Bien que la transition vers une agriculture plus durable soit essentielle, elle n'est pas sans défis pour les agriculteurs. Certains estiment que le Green Deal et les réformes de la Politique Agricole Commune (PAC) introduisent une multiplicité de normes qui pèsent lourdement sur leur compétitivité, de plus l'application uniforme de ces normes sur l'hétérogénéité des pratiques agricoles européennes soulève des questions d'équité et d'efficacité. L'adoption de pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement nécessite des investissements importants et une période d'ajustement, et il est crucial que l'UE accompagne les agriculteurs à travers des aides financières et techniques, ainsi qu'une transition équitable et graduelle. L'enjeu est de taille : il s'agit de préserver la sécurité alimentaire de l'Europe tout en répondant aux exigences de la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité.
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