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Urgence de réactiver les vigilances républicaines face aux extrémismes et aux complotismes

par Jean-Philippe Moinet le 26 septembre 2023
A l'occasion de la sortie de son roman : "Un journal sous influence", Jean-Philippe Moinet, journaliste, fondateur de l'Observatoire de l'extrémisme et fondateur-directeur de la Revue civique, prône la réactivation des vigilances républicaines face aux complotismes et aux extrémismes.
Le Laboratoire de la République : Votre roman est une plongée, assez mouvementée, dans le monde politique et médiatique, à travers un personnage principal, Myriam, grand reporter politique. Pourquoi avoir écrit ce livre ? Jean-Philippe Moinet : Je l’ai d’abord écrit par plaisir, celui qu’offre l’écriture romanesque, qui est une vraie évasion pour l’auteur que je suis et, je l’espère, pour les futurs lecteurs et lectrices. Ensuite, il me tenait particulièrement à cœur de dépeindre de cette manière le « merveilleux » monde politique et médiatique français, que je connais bien et côtoie depuis plus de trente ans, univers particulier avec ses passions (humaines), ses grandeurs (de convictions) et ses (gros) travers aussi. La liberté qu’offre le roman débouche naturellement sur des personnages et des tranches de vie qui relèvent de la totale fiction. Mais certains personnages, comme « Z le xénophobe » et quelques autres se reconnaîtront. Je décris aussi quelques coulisses par exemple de l’Elysée, d’une rédaction d’un grand quotidien national et de certains plateaux TV aussi. Le roman permet de mettre en scène des personnages, des épisodes et des tendances de notre vie publique, il permet aussi de mettre en perspective certaines problématiques, présentes dans notre espace démocratique. Le Laboratoire de la République : Quelles problématiques actuelles avez-vous voulu mettre en perspective ? Jean-Philippe Moinet : Il y en a plusieurs, comme l’éthique journalistique, la probité en politique ou la xénophobie, cette peste – pour reprendre le mot camusien – qui a tendance à dangereusement se propager dans l’espace public. J’avais amorcé l’écriture de ce livre il y a plus de dix ans, à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, Président auprès duquel sévissait un ex-lepéniste (proche de Jean-Marie Le Pen), Patrick Buisson, mu en « sondologue » très influent, au point où le chef de l’Etat d’alors l’avait intronisé à l’Elysée et parlé de lui comme de son « hémisphère droit » ! C’est le même homme qui, depuis 25 ans, militait pour une acception très particulière, racialiste, de « l’identité nationale » française. J’ai donc amorcé l’écriture de ce roman à cette époque, puis j’ai mis mon manuscrit de côté pendant des années. Je l’ai repris en 2022, finalisé en janvier 2023. Et j’avoue que je n’imaginais pas que ma fiction serait à ce point rattrapé, l’été dernier, par l’actualité ! La crise du JDD en particulier a marqué, à mes yeux, une bascule historique, grave et inquiétante. Ce titre, depuis 75 ans, était lu et apprécié le dimanche à la fois par des lecteurs de droite, de gauche et d’autres qui ne s’inscrivent pas dans un quelconque camp politique. La direction de ce titre a été confiée à une personne, Geoffroy Lejeune, licenciée en 2023 de la direction de la rédaction d’un hebdomadaire déjà classé à l’extrême droite pour avoir opéré une dérive idéologique allant à l’extrême droite de l’extrême droite ! Et il est venu, en août dernier, prendre la direction de ce grand journal, entouré notamment d’une proche collaboratrice elle-même passée par le journal « Présent », qui est dans le noyau le plus dur de l’extrême droite, à tendance raciste, antisémite et révisionniste. Du jamais vu depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en France. Cela dit évidemment quelque chose d’inquiétant concernant les dérives de notre paysage politique et médiatique. Où l’on voit par exemple un Eric Zemmour, utiliser des thèses complotistes – celle du « grand remplacement » par exemple  - sans le moindre scrupule, alors que ces thèses insensées étaient, il y a quelques années encore, cantonnées aux marges de notre vie publique. Le même polémiste xénophobe professionnel et ses amis (où l’on retrouve Geoffroy Lejeune) – polémiste que je décris précisément dans mon livre – osant aussi prétendre que le régime collaborationniste de Pétain « a sauvé les juifs » de France, ceci contre les plus grands travaux d’historiens et contre tous les témoignages des rescapés des camps de la mort et de leurs familles, documentés par exemple au Mémorial de la Shoah. Nous assistons actuellement à des basculements de notre mémoire collective et de la conscience historique, dont il faut fortement se méfier. Parce que ce sont les mêmes qui trahissent les réalités historiques, qui en viennent à nier les réalités d’aujourd’hui, qu’il s’agisse des actuels crimes de guerre de Poutine en Ukraine ou des réalités sociales ou sociétales, totalement caricaturées, par exemple en ce qui concerne les migrations, qui n’ont rien à voir avec une quelconque « invasion », contrairement à ce que prétend bruyamment la propagande déversée par l’extrême droite sur les réseaux sociaux mais aussi sur certaines grandes ondes et maintenant dans certains journaux grands publics.  Mon livre évoque ces enjeux devenus très (et trop) actuels. Une manière, par le roman, de s’en prémunir. Le Laboratoire de la République : Mais le roman est-il une bonne manière de traiter ces sujets importants ? Jean-Philippe Moinet : Je pense, au stade d’expériences que j’ai pu accumuler par exemple en matière d’écriture journalistique, qu’il n’y a pas de mauvaises manières ou de mauvais registres pour traiter des sujets, y compris les plus sérieux ou les plus importants. Ce roman évoque d’ailleurs bien d’autres choses, bien plus légères, des histoires d’amours, des traits d’humour, une intrigue totalement fictive autour d’une affaire politico-financière de dimension internationale qui secoue au plus haut niveau de l’Etat, et dans laquelle interfèrent des services de renseignements pouvant être instrumentalisés. L’évasion romanesque est un beau transport de l’esprit humain, je m’y suis attelé avec plaisir certain et un certain goût, qui ne fait sans doute que commencer pour moi. Et oui, je pense que pour aiguiser une vigilance républicaine, dont notre époque a grand besoin, oui, le roman peut aussi faire partie des bons moyens pour transmettre à la fois les fruits d’une expérience et des messages utiles pour l’avenir.   Son entretien à voir sur notre chaîne Youtube : https://youtu.be/lc8WweBRgwU Entretien avec J.P. Moinet : Réactiver les vigilances républicaines

Mardi 26 septembre : « La Constitution a déjà 65 ans ». Secrets de sa longévité et voies de la jouvence

le 21 septembre 2023
Mardi 26 septembre, le Laboratoire de la République vous invite à une conférence exceptionnelle avec Jean-Michel Blanquer, Noëlle Lenoir et Alain Laquièze pour l'anniversaire de la Constitution qui fête ses 65 ans.
Avec: Jean-Michel Blanquer, président du Laboratoire de la République Noëlle Lenoir, ancienne ministre des affaires européennes et ancienne membre du Conseil constitutionnel Alain Laquièze, professeur de droit public à l'Université Paris Cité En 1958, lorsque la Constitution de la Vème République a été adoptée, un grand scepticisme régnait sur sa capacité à survivre après la disparition de son principal initiateur, le général de Gaulle. A fortiori, on n’imaginait pas qu’une république consacrant un pouvoir présidentiel fort pourrait exister durablement en France. Soixante-cinq ans après sa fondation, la Vème République est toujours bien vivante, ce qui en fait désormais le régime politique le plus long ayant existé depuis 1789. Une réflexion mérite d’être engagée sur les raisons de cette longévité. Parmi elles, on peut citer les modifications du texte constitutionnel, dont la célèbre révision de 1962 qui institue l’élection du président au suffrage universel direct, ainsi que la plasticité d’une loi fondamentale qui a autorisé des pratiques différentes allant d’un présidentialisme affirmé aux cohabitations redonnant un poids substantiel au couple Premier ministre/majorité parlementaire. Malgré ses succès indéniables, qu’il s’agisse de la stabilité politique qu’elle a pu créer et de sa résilience dans un environnement européen et international en grande mutation, la Constitution française suscite aujourd’hui de nombreuses interrogations sur sa capacité à assurer une réelle expression démocratique. L’opinion publique exprime d’ailleurs une défiance croissante à l’égard des institutions nationales et une partie non négligeable de la classe politique rêve d’un grand soir constitutionnel autour d’un mot d’ordre, la VIème République. La question se pose donc de savoir si nos institutions politiques sont encore adaptées aux besoins d’une population en quête d’une participation accrue et refusant la verticalité d’un pouvoir perçu comme éloigné des préoccupations quotidiennes des citoyens. Les réponses à cette interrogation sont sans doute multiples et peuvent s’inscrire sur un large spectre, de la défense du statu quo constitutionnel au changement de régime politique, en passant par des réformes ponctuelles. C’est cet inventaire du bilan et des pistes éventuelles d’amélioration constitutionnelle que cette table ronde se propose d’étudier. Pour vous inscrire, cliquez ici

Gilles Kepel, une conversation plus qu’éclairée pour « Prophète en son pays »

par L'équipe du Lab' le 21 septembre 2023
Mardi 19 septembre, pour sa 15ème "conversation éclairée", le Laboratoire de la République a reçu Gilles Kepel à l'occasion de la parution de son dernier ouvrage: "Prophète en son pays" aux éditions de l'Observatoire. Cette soirée passionnante a été animée par Marie Ameller et Brice Couturier.
Plus de 200 personnes sont venus écouter Gilles Kepel parler de son dernier ouvrage : "Prophète en son pays" aux éditions de l'Observatoire. Evènement à revoir sur notre chaîne Youtube : https://youtu.be/gfscnxDeT6s?feature=shared Conversation éclairée de Gilles Kepel pour "Prophète en son pays"

Un an après la mort de Mahsa Amini, où en est la Révolution iranienne ?

par Shaparak Saleh le 16 septembre 2023
Le 16 septembre 2022, Mahsa Jina Amini décède dans un hôpital de Téhéran des suites de mauvais traitements subis pendant sa détention. Elle avait été arrêtée, trois jours avant, par la police des mœurs pour avoir prétendument enfreint les lois strictes sur le voile. Sa mort a provoqué des manifestations à travers le pays qui ont été violemment réprimées par les autorités. Un an après, la Révolution iranienne continue le combat pour renverser la République islamique d’Iran. Shaparak Saleh, co-fondatrice et Secrétaire générale de « Femme Azadi », association sensibilisant l'opinion publique à cette cause et voulant porter la voix du peuple iranien, a accepté de présenter la situation et les enjeux de cette révolution pour le Laboratoire de la République.
Le Laboratoire de la République : Qu’y-a-t-il d’inédit dans la révolution en cours en Iran depuis le 16 septembre 2022 ? Shaparak Saleh : La révolution en cours depuis le meurtre de Mahsa Jina Amini par la police des mœurs, le 16 septembre 2022, est inédite à plusieurs égards. Elle l’est déjà si l’on se situe au niveau de l’Iran. En effet, pour la première fois, les manifestations ne sont pas régionales. Elles ont envahi tout le pays, c’est-à-dire aussi bien les villes que les villages. La révolution gronde même dans les villes réputées pour être les plus croyantes, à l’instar de la ville sainte de Qom, ville natale du guide suprême iranien Ali Khamenei. Ensuite, cette révolution n’est pas comparable aux précédents mouvements de révolte. Ainsi, contrairement au mouvement vert de 2019 pendant lequel les jeunes scandaient : « Où est mon vote ? » en arborant la couleur verte – symbole de Mir Hossein Moussavi, candidat floué prônant un islam réformé et plus ouvert – c’est aujourd’hui le principe même d’une république islamique qui est contesté. Les Iraniens ont compris que les conservateurs et les modérés faisaient partie d’un même système visant à maintenir sur pied une théocratie. Ils souhaitent la mise en place d’un état de droit et d’une démocratie, laquelle ne sera possible que si le régime des mollahs chute. Enfin et surtout, pour la première fois, la peur a changé de camp. Malgré la répression féroce, le mouvement ne s’est pas éteint. Tandis que les mollahs n’osent plus porter leur tenue dans la rue, de crainte de subir des agressions, de nombreuses femmes refusent de porter le voile. Pour ne plus qu’on leur dicte ce qu’elles doivent porter, elles refusent de courber l’échine devant la redoutable police des mœurs, risquant arrestation, coups de fouet, viol ou mise à mort. Cependant, ces femmes n’ont plus peur. Elles préfèrent prendre ce risque que de vivre éternellement sans être libres. Mais ce n’est pas qu’en Iran que cette révolution est inédite : une révolution menée par des femmes, pour tout un peuple, c’est une première mondiale. C’est notamment pour cela qu’elle ne peut pas échouer. Un échec serait un revers pour toutes les femmes. La chute du régime des mollahs serait aussi la défaite de la première république islamique au monde et, par conséquent, l’échec de l’islamisme politique. Le Laboratoire de la République : A quoi ressemblerait le monde si la révolution aboutit et conduit à la chute du régime des mollahs ? Shaparak Saleh : C’est une évidence : le monde serait bien meilleur sans la République islamique d’Iran. Toute une partie du globe retrouverait la paix. Il s’agit avant tout d’une théocratie qui rêve d’exporter son modèle dans le monde. Soutien aux mouvements radicaux dans le Moyen-Orient, la République islamique n’hésite pas à utiliser le terrorisme pour régner. Prises d’otages, attentats, répressions, massacres sont autant d’armes utilisées pour dominer le monde. La République islamique déploie une énergie sans limite pour augmenter son influence et sa politique de déstabilisation de la région : elle parraine le Hezbollah, soutient le Hamas, livre des drones à la Russie pour l’aider à dominer l’Ukraine, aide les milices en Irak, tout en appelant à la destruction d’Israël. La liste n’est pas exhaustive. Si on se situe au niveau de la France, l’aboutissement de la révolution et la chute du régime des mollahs présenteraient de nombreux avantages. Du point de vue des droits humains, la chute du régime tyrannique et sanguinaire qui pratique l’apartheid des genres ne peut qu’être accueillie favorablement par la France, pays des droits de l’Homme. Ce serait la fin d’un régime qui autorise les mariages des fillettes dès l’âge de huit ans ou pour qui la parole d’une femme dans un procès vaut quatre fois moins que celle d’un homme (si une femme dépose une plainte pour viol, quatre autres femmes devront témoigner avec elle pour qu'on lui accorde plus de crédit face à son agresseur présumé). Il s’agirait également d’une bonne nouvelle pour le quai d’Orsay puisqu’à l’heure actuelle, on compte quatre otages français. Cette politique des otages a été mise en œuvre par le régime dès son accession au pouvoir en 1979 avec « la crise des otages américains en Iran ». Enfin, un Iran libre et démocratique où règnerait l’état de droit serait seul à même d’attirer des investisseurs étrangers. On entend des rumeurs selon lesquelles des négociations seraient en cours entre les pays occidentaux et la République islamique d’Iran pour raviver le Plan d’action global commun (dit JCPOA). Pense-t-on sérieusement que des investisseurs ne mesureraient pas le risque financier et réputationnel d’un accord avec l’Iran ? Les pays occidentaux ont tout à gagner à la liberté de l’Iran. C’est un pays stratégique en raison de ses réserves de pétrole, mais également un marché à gros potentiel pour les industriels français dans tous les domaines : aéronautique, agroalimentaire, automobile, construction, hôtellerie, luxe ou encore télécommunications. En effet, après quarante-trois années de privations générées par l’isolement de la République islamique d’Iran sur la scène internationale, le succès serait nécessairement au rendez-vous. Les démocraties du monde libre ont tout intérêt à abandonner les efforts visant à pactiser avec un régime à l’agonie qui n’a rien à leur apporter. Elles doivent se concentrer à la réussite d’une révolution qui comporte en elle l’assurance de nombreux débouchés. Pour l’heure, tant que le régime sera en place, aucune négociation ne peut et ne doit avoir lieu. En attendant, la République islamique d’Iran a adhéré au BRICS, ce qui va lui permettre de développer son réseau commercial avec les autres membres de ce club des puissances anti-démocratiques. Le Laboratoire de la République : Quel soutien peut-on apporter ? Shaparak Saleh : Le peuple iranien et la diaspora iranienne ont du mal à se faire entendre. En Iran, l’accès à internet est souvent coupé afin que le régime puisse commettre ses exactions à huis-clos. En dehors du pays, nous avons aussi du mal à nous faire entendre. Nous avons besoin que notre combat soit visible. Dans l’ensemble, les médias ne font pas bien leur travail sur ce sujet. La recherche du scoop ou du clic les conduit à traiter en priorité les faits divers nationaux au détriment des sujets de fonds internationaux qui ont du mal à rester visibles avec pour seule exception l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Alors mon premier message s’adresse aux journalistes : nous avons besoin de vous ! Rendez visible cette révolution. Chaque information relayée dans la presse internationale suscite tant d’espoir en Iran. Mais, me direz-vous, comment soutenir quand on n’est pas journaliste mais simple citoyen ? Personne ne doit minimiser son pouvoir. Il faut s’abonner aux pages Instagram, Twitter et LinkedIn des associations qui font un formidable travail d’investigation. Vous pouvez suivre les comptes de Femme Azadi ou de This is a Revolution pour avoir des informations traduites en français. S’informer, c’est déjà bien. Partager, c’est encore mieux. Notre première vidéo de sensibilisation a atteint 10 millions de vues sur les différents réseaux sociaux. La dernière dans laquelle nous annoncions avoir porté plainte contre un dignitaire du régime lors de son déplacement à Paris à l’occasion de la préparation des JO a atteint 130.000 vues. Enfin, vous pouvez soutenir des associations comme la nôtre en faisant par exemple des dons. Pour prendre notre exemple, les montant des dons récoltés par notre collectif nous permettent d’apporter un soutien financier, juridique et administratif aux réfugiés, d’organiser des évènements en France pour amplifier la voix du peuple iranien, d’aider les activistes sur place à continuer de mener le combat, et de financer VPN et Starlinks afin que le peuple iranien puisse nous envoyer des images de cette révolution, malgré les efforts du régime pour couper internet et massacrer en toute discrétion. Pour nous soutenir, vous pouvez également participer à la marche, aujourd'hui samedi 16 septembre, date anniversaire de la révolution (l'emplacement exact est communiqué sur nos réseaux).

Chili : 50 ans d’un coup d’Etat qui divise toujours la société

par Carlos Quenan le 13 septembre 2023
Le 11 septembre 2023, le Chili a commémoré les cinquante ans du coup d'Etat militaire du général Pinochet, qui fut suivi d'une longue et sanglante dictature, un événement qui continue de diviser les Chiliens. Sans avoir jamais été jugé, Augusto Pinochet est mort d'une crise cardiaque en 2006 à l'âge de 91 ans. Les heurts apparus dimanche montrent un Chili divisé entre les défenseurs et les détracteurs de la dictature. Perspectives sociétales et historiques avec Carlos Quenan, professeur à l'Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine (IHEAL), à la Sorbonne Nouvelle et vice-président de l'Institut des Amériques.
Le Laboratoire de la République : Comment le coup d'Etat de 1973 est aujourd'hui perçu par la société chilienne ? Quelle influence sur la politique nationale ? Carlos Quenan : Le coup d’Etat de 1973 était une rupture du point de vue de l’évolution démocratique de ce pays, dans une société chilienne très polarisée et dans un contexte international également polarisé à cause de la Guerre froide et de la rivalité entre les Etats-Unis et l’URSS. La perception des Chiliens sur le coup d’Etat est passée par différentes étapes. A l’heure actuelle, la société chilienne est encore polarisée avec un climat politique très volatil. A la fin de la dictature de Pinochet en 1990, le pays était davantage prospère qu’en 1973 à la suite des réformes économiques libérales mises en place par un groupe d’économistes connus comme les « Chicago boys ». Le Chili était dynamique du point de vue économique et caractérisé par une diminution de la pauvreté mais beaucoup plus inégalitaire que par le passé.  Le retour à la démocratie s’est produit grâce à un référendum gagné par l’opposition à la fin des années 1980. Dès lors, le pays a connu une transition démocratique sous contrôle militaire (ex : la présence de représentants des Forces Armées au Sénat). On assiste entre 1991 et 2008 à une longue période de gouvernements dite de la « Concertation », un groupement des forces de centre-gauche, où, toujours dans le cadre de la constitution de 1980 héritée de la dictature militaire, l’économie continue à être très dynamique mais toujours fort dépendante des exportations primaires. Entre la fin des années 2000 et le début des années 2020, on assiste à une double alternance où se succèdent à deux reprises les gouvernements dites de la « Concertation » de la Présidente Bachelet (centre gauche) et du Président Piñera (droite). L'année 2019 marque un point d’inflexion avec l’émergence de manifestations massives exprimant un rejet de la hausse du coût de la vie et en faveur de reformes démocratiques. Ce mouvement a débouché sur la proposition d’une réforme de la constitution qui semblait s’orienter vers la prise en compte, notamment, de la préservation de l’environnement et la réduction des inégalités. La prospérité connue par le pays pendant plusieurs décennies a eu des effets tangibles : alors qu’au milieu des années 1970, le PIB par habitant du Chili représentait 15% du PIB par habitant des Etats-Unis, au début des années 2020, le PIB par habitant du Chili constituait presque 50% de celui des Etats-Unis. Toutefois, les manifestations de 2019 ont exprimé une considérable insatisfaction à l’égard de la répartition des fruits de la croissance économique. Ainsi, en 2020, par une consultation populaire, près de 80 % de la population ont souhaité la formation d’une assemblée constituante. Cependant, deux ans après, 62 % des Chiliens n’ont pas soutenu le texte qui devait remplacer celui hérité de la dictature de Pinochet. En outre, la dernière élection présidentielle a vu le candidat de gauche gagner – Gabriel Boric, très jeune, ex-dirigeant étudiant très actif dans les mouvements de contestation évoqués précédemment- mais 45% des voix sont allées vers le candidat d’extrême droite, José Antonio Kast, qui exprime une nostalgie de la période de Pinochet. En somme, le coup d’Etat de 1973 est critiqué par une partie importante de la société, néanmoins, une autre partie reste nostalgique de cette période qui avait marqué le début d’une période d’« ordre » et de prospérité économique. Dans le cadre de la post-pandémie et d’un affaiblissement de la croissance économique, cette nostalgie est renouvelée et nourrie par un courant qui gagne du terrain dans les opinions publiques et qui exprime une perspective de droite extrême dans la région latino-américaine voire dans le monde occidental. Dans ce sens, le cas le plus paradigmatique a été celui au Brésil avec l’arrivée au gouvernement de Bolsonaro. La démocratie n’est pas en danger au Chili. Depuis la fin de la dictature de Pinochet, il y a un rejet des violences pour résoudre les conflits politiques. Cependant, les mesures de l’opinion publique dans ce pays et dans l’ensemble de la région latino-américaine montrent un recul de l’adhésion de la démocratie, ce qui est inquiétant. Le Laboratoire de la République : Le Chili a-t-il marqué un changement dans la politique interventionniste américaine ? Quel héritage aujourd'hui dans la politique des Etats-Unis ? Carlos Quenan : A la différence d’autres cas que nous avons connu au XXème siècle, notamment en Amérique centrale, où les Etats-Unis étaient impliqués directement dans les coups d’Etat et le renversement de gouvernements en place, dans le cas du Chili il n’y a pas eu de participation directe des Etats-Unis. Certes, dans le contexte de la Guerre froide, les Etats-Unis ont soutenu les Forces Armées chiliennes lors du coup d’Etat de 1973. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, une ingérence directe « à l’ancienne » des Etats-Unis semble révolue même si ce pays exerce, toujours, une influence très importante dans la région latino-américaine et caribéenne dans laquelle on constate, comme dans d’autres continents, une présence croissante de la Chine. Mais, même dans le cas de gouvernements se montrant clairement hostiles aux Etats-Unis – par exemple, le Nicaragua ou le Venezuela –, le recours à la force semble exclu. Le Laboratoire de la République : Le peuple chilien a relevé pacifiquement sa démocratie après la période Pinochet. Quel enseignement peut-on tirer de l'exemple chilien alors que des coups d'Etat se multiplient en Afrique ? Carlos Quenan : Les situations de ces deux continents sont difficilement comparables. La région latino-américaine, constituée majoritairement par des pays à revenu intermédiaire, est bien plus développée que l’Afrique. Les sociétés civiles y sont assez actives même si la polarisation s’installant dans des nombreux pays dégrade le débat public. En Afrique, il y a une grande instabilité politique dont on a la preuve avec les évènements récents et une intensification ouverte des rivalités hégémoniques sur le plan géopolitique avec une présence croissante de la Russie et de la Chine. En revanche, en Amérique latine, le cycle des coups d’Etat militaires semble révolu même s’il y a une certaine désaffection vis-à-vis de la démocratie. L’apparition de mouvements et forces prenant appui sur cette situation constituent des menaces qu’il faut prendre au sérieux. Les expériences du passé au Chili et dans d’autres pays latino-américains qui ont subi des dictatures militaires entre les années 1960 et 1980 ont conduit à un considérable degré de maturité démocratique. Cinquante ans après le coup d’Etat au Chili, l’émotion des exilés politiques installés en France (lemonde.fr)

La laïcité : principe républicain pour émanciper les élèves de toutes influences extérieures et protéger les professeurs

par Caroline Yadan le 8 septembre 2023 Caroline Yadan
Dimanche 26 août, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal a annoncé que le port de l’abaya et des qamis serait désormais interdit à l’école. Une note et un protocole publiés le 31 août ont permis aux chefs d’établissements de mettre en œuvre le dispositif avec succès lors de la rentrée scolaire, lundi dernier, 4 septembre. Caroline Yadan, députée de Paris, nous fait part de son regard sur la laïcité et l'interdiction de ces tenues.
Les chefs d’établissements ont globalement salué un texte clair et sécurisant. Pourquoi était-il essentiel de préciser l’application de la loi de 2004 pour ces deux tenues vestimentaires ? Le procès en « islamophobie » n’a pas manqué de ressurgir, venant en majorité d’influenceurs fréristes, mais aussi de LFI. Pourquoi est-il infondé ? Que dire aux jeunes qui revendiquent sincèrement leur liberté de porter des signes religieux ostentatoires ? Selon un sondage IFOP pour Charlie Hebdo publié le 4 septembre, 70% des Français (48% des sympathisants LFI, 71% des sympathisants PS) associent l’abaya à des tenues ayant un caractère religieux. Comment comprendre l’entêtement de certaines figures de gauche alors que le consensus paraît solide ? Comment s’assurer de l’application de la loi dans les prochains mois ? Comment contrer les minorités religieuses qui vont essayer d’en contourner la lettre ? Toutes ces questions ont été posées à Caroline Yadan, députée de Paris. Entretien complet sur notre chaîne Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=DTdDhtUatSE&list=PLnuatIJNLTZWAbN4pAsF9KCsAqUX9Bn9F&index=6

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